Dermatose nodulaire contagieuse : le jeune confrère ayant diagnostiqué le premier cas en France témoigne

Gautier Bouchard (Lyon 2017)

© D.R.

Exercice

Premier vétérinaire à avoir diagnostiqué la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) en France, notre confrère Gautier Bouchard (Lyon 2017), praticien dans la clinique de l'Albanais à Rumilly (Haute-Savoie), revient sur les circonstances de la détection de cette maladie jusqu'alors inconnue dans l'Hexagone. Depuis cette découverte, la DNC continue à impacter lourdement son activité et celle de ses confrères dans la région.

La Dépêche Vétérinaire : Vous avez diagnostiqué fin juin le premier cas de dermatose nodulaire contagieuse en France. Il s'agissait d'un élevage de bovins en Savoie (à Cessens). Pouvez-vous nous décrire comment s'est déroulée cette première visite dans l'élevage concerné, de l'appel à votre suspicion, confirmée, le 29 juin, par le laboratoire national de référence ?

Gautier Bouchard : Quand je suis allé voir la vache malade de l'éleveur en question, deux de mes collègues avaient déjà vu la vache.

Le premier l'avait vue pour abattement et hyperthermie, début de difficultés respiratoires. Il avait alors fait des prélèvements pour écarter la fièvre catarrhale ovine (FCO) et la maladie hémorragique épizootique (MHE).

Le second y est retourné pour non amélioration avec le traitement mis en place. Ce collègue avait alors remarqué une forme d'urticaire qu'il pensait être due à son injection antibiotique du moment.

J'y suis retourné à mon tour pour aggravation. L'animal présentait alors des nodules multiples sur la quasi-totalité du corps, une hyperthermie ne répondant pas aux AINS et aux antibiotiques et des oedèmes des membres.

J'ai avoué à l'éleveur ne pas reconnaître ces symptômes au regard des maladies que je connaissais.

J'ai refait des prélèvements pour exclure l'erhlichiose et la besnoitiose. Avant de partir de l'élevage, j'ai fait une rapide recherche de biblio sur mon téléphone en recherchant des infos à l'aide des symptômes (« dermatite nodulaire bovin »). Je suis très rapidement tombé sur un ancien article du GDS évoquant la dermatose nodulaire contagieuse bovine (DNC).

J'ai expliqué à l'éleveur que cette maladie répondait à tous les symptômes et à l'épidémiologie décrite de la maladie. Le seul point noir était que la maladie se trouvait en Afrique du Nord, dans les pays des Balkans et en Asie... donc finalement plutôt peu probable.

J'en ai parlé à mes collègues le soir mais ils n'en savaient pas plus que moi à propos de cette maladie. J'ai également appelé la DDPP* le soir leur expliquant la situation. La consigne était alors d'attendre les résultats des analyses complémentaires avant de déclarer la suspicion de DNC.

Le lendemain, deux nouveaux cas beaucoup plus légers (hyperthermie et quelques petits nodules) se sont déclarés dans le même élevage. Je suis donc retourné dans l'exploitation pour réaliser les prélèvements de DNC, d'autant plus que, ce jour-là, une alerte sur la plate-forme Calypso nous informait qu'un cas avait été confirmé en Sardaigne.

Malheureusement, il s'est avéré que ces prélèvements n'ont pas supporté le voyage jusqu'à Montpellier et étaient non interprétables. La DDPP nous a recontactés pour refaire les prélèvements et les a envoyés par coursier en urgence le vendredi soir, d'où les résultats confirmés le dimanche (le 29 juin, NDLR).

D.V. : Quand vous êtes arrivé dans l'élevage, étiez-vous informé de l'émergence de la maladie en Sardaigne puis dans le Nord de l'Italie et de ses symptômes ?

G.B. : Non, pas lors de la première visite qui était le 23 juin, la confirmation du cas de Sardaigne ayant eu lieu de mémoire les 24 ou 25 juin**. Je ne connaissais ni la maladie, ni ses symptômes, ni sa progression récente à ce moment-là.

D.V. : Depuis, avez-vous diagnostiqué d'autres cas ?

G.B. : Mes collègues et moi-même en avons diagnostiqué de nombreux autres, d'abord chez l'éleveur cité plus haut puis dans les bâtiments d'élevages autour mais surtout dans les parcs alentours contenant souvent génisses ou vaches taries.

D.V. : Depuis cette découverte, est-ce que la maladie continue à rythmer votre activité dans la région ?

G.B. : Depuis la découverte du premier cas, il n'y a pas une journée qui n'est pas impactée par la maladie.

Il y a eu d'abord la surveillance des élevages puis de nouveaux diagnostics, ensuite la vaccination, qui a elle-même déclenché des réactions nécessitant des prélèvements pour différencier les nouveaux cas des effets secondaires des vaccins.

Nous avons ensuite vacciné les veaux et, parallèlement, il y avait toujours de nouvelles suspicions.

Il y a également la communication continue avec les éleveurs, la DDPP et les autres instances.

D.V. : Avez-vous rencontré des difficultés avec certains éleveurs ?

G.B. : Nous avons effectivement rencontré des difficultés avec certains éleveurs puisque les opinions vis-à-vis du dépeuplement sont très divergentes et, même si maintenant pour moi le dépeuplement est une évidence, ça n'a pas été le cas dès le début.

Les connaissances sur la maladie nous ont beaucoup fait défaut au début et malheureusement les informations diffusées dans tous les sens (par beaucoup trop de monde différent) ont certainement mené à des erreurs de gestion par la suite.

Il se trouve qu'il y a même eu des violences, notamment lors de l'intervention d'une consoeur, qui ne sont pas tolérables et qui ont mené à des sanctions de notre part (n'étant pas associé, je parle donc des associés de la clinique en ce qui concerne les sanctions appliquées).

Les autres difficultés rencontrées étaient inhérentes aux réglementations liées à la gestion de la maladie (interdiction de déplacement, interdiction d'épandre fumier et lisier, vaccination), ce qui nous a demandé de communiquer énormément avec les éleveurs, de les convaincre des bonnes pratiques et de leur demander une implication très importante (notamment pour la vaccination) et je tiens à les féliciter pour leur efficacité et leur entente mutuelle à ce moment-là.

* DDPP : Direction départementale de la protection des populations.

** Le premier foyer dans le Nord de l'Italie a été confirmé le 25 juin, le premier foyer en Sardaigne le 21 juin (lire DV n° 1760).

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